« Domestication’’ par les politiques: Le pouvoir religieux va-t-il encore résister longtemps
26 septembre 2018Diass-Infos: Quelqu’un le disait assez bien : ‘’Tout choc entraîne usure’’. Les relations entre les politiques au Sénégal et les hommes religieux ne sont pas sans conséquences. De profondes mutations sont en train de s’amorcer, sous nos yeux.
Avec la disparition de la royauté presqu’oubliée dans les méandres de l’histoire, contrairement à ce qui se passe en Angleterre par exemple et dans d’autres pays, les chapelles religieuses ont constitué, pendant longtemps, l’incarnation de la survivance d’un contre-pouvoir.
Malheureusement, la nouvelle tendance est à leur domestication pour en faire des mouvements de soutien politiques arrimés à des partis.
Les récentes déclarations du porte-parole de la famille Tidiane entre dans ce sillage, alors qu’à Touba, Serigne Bass Abdou Khadre essuie, parfois, des critiques de la part de ses coreligionnaires.
En dehors du cas des marabouts-politiciens qui s’inscrivent carrément dans une dynamique partisane, les autres font l’objet de toute forme de séduction de la part des politiques pour les avoir de leur côté.
Touba est souvent estampillée bastion de Wade alors qu’il fut un moment où seul Darou Khoudoss soutenait le Pape du Sopi. C’étaient les Socialistes qui étaient, à l’époque, mieux soutenus.
Aujourd’hui, officiellement, la partie officielle de Tivaouane se range du côté de Macky Sall. Une preuve de plus de l’enrôlement de plus en plus marqué des confréries dans les camps politiques.
Ce phénomène est loin d’être accidentel. Il relève de facteurs objectifs comme le désir d’implication de plus en plus grand de guides religieux dans la gestion de la cité, ne serait-ce qu’indirectement.
Ce désir s’accompagne du souhait de voir leurs localités bénéficier du maximum de réalisations, surtout au niveau des infrastructures, sans oublier les autres avantages.
Ainsi, autant la classe politique a besoin des hommes de Dieu pour des raisons électoralistes, autant ces derniers, devenus pas seulement des guides religieux mais aussi temporels, ne restent plus indifférents aux choses ici-bas, au ‘’paradis terrestre’’.
C’est pour cela que ceux qui arrivent au pouvoir ont la chance d’avoir le soutien de guides religieux qui n’hésitent plus à s’inscrire dans une dynamique de confrontation avec certains des marabouts de moindre calibre et des talibés qui ne pensent pas de la même façon.
Aujourd’hui, le scénario qui s’offre à nous, c’est que des religieux parrainent même des candidats en récupérant les cartes d’identités de membres de leurs familles et de fidèles.
Certains ont joint l’acte à la parole dans le seul souci d’entrer dans les bonnes grâces du Président de la République, par exemple, car il est le seul aujourd’hui à ouvrir les portes du ‘’paradis terrestre’’.
Malheureusement, dans ce choc des ambitions et cette complicité, ils ont tout à perdre. La politique chez nous est très corrosive. Elle fait du mal à ceux qui s’y lancent directement ou indirectement, parce qu’étant appréciée comme un instrument de promotion économique et sociale personnelle.
Le guide religieux étant perçu comme une référence, il a tout à gagner à rester au dessus de la mêlée, au risque justement d’être, un jour, au milieu des huées.
Ces directeurs de conscience ne sont pas des citoyens ‘’ordinaires’’. Ils catalysent l’espoir de nombreuses personnes qui les perçoivent comme des bouées de sauvetage. S’ils s’agrippent à d’autres personnes, ils se dévaloriseront.
Pourtant, le processus se généralise. ‘’Toute socialisation étant une banalisation’’, les marabouts gagneraient beaucoup à rester à leur place. Surtout les Khalifes généraux qui ont la responsabilité de transmettre à leurs frères le legs ainsi hérité.
La politique telle que pratiquée chez nous, a cette manie à souiller les relations et surtout à les altérer.
Autant on a besoin de grands commis de l’Etat, comme Bruno Diatta, qui restent en dehors de la sphère politique, autant on a besoin de guides religieux de toutes les confessions qui prennent leurs distances avec ces compétitions et rapports de force.
Transformer les confréries en mouvements de soutien à des hommes politiques, serait très dévalorisant. DAKAR MATIN