Brexit: et bis repetita ?
14 mars 2019Diass-Infos : « Si vous êtes paumés ne vous inquiétez pas, c’est le cas de tout le monde » : c’est avec ces mots qu’un présentateur de la BBC a ouvert son journal après les votes hier soir à la chambre des communes. Une journée marquée par la confusion dans les débats et dans la manière de les mener. Même si les députés, c’est acté, refusent une sortie sans accord de l’Union Européenne.
envoyée spéciale d’Rfi à Londres
On ne sait toujours pas ce que veulent les députés britanniques, mais on en sait un peu plus sur ce qu’ils ne veulent pas : une sortie sèche, un « no deal » comme on dit outre-manche, c’est non ! Certes, et les «brexiters» les plus durs se sont empressés de le rappeler dès les résultats connus, ces votes ne sont pas juridiquement contraignants, autrement dit, ils n’écartent pas la possibilité d’une sortie brutale « par accident », mais Theresa May l’avait promis avant le vote dont le résultat est surprise, elle va respecter l’avis des parlementaires… comme toujours, à sa manière.
Vote ce jeudi et mercredi prochain
Sa proposition ? Un vote mercredi prochain, veille de conseil européen à Bruxelles, sur l’accord négocié avec l’UE, soit le texte qu’elle n’a même pas pu présenter en décembre, qui a été rejeté avec une claque historique en janvier, refusé encore très largement mardi soir.
Ce jeudi, les parlementaires sont invités à se prononcer sur l’échéancier:
-soit cette fois c’est un oui, et à ce moment-là Theresa May demandera aux Européens un délai « technique » pour la sortie, jusqu’au 30 juin (il s’agit juste d’adapter la législation)
-soit c’est non et encore non : à ce moment-là la Première ministre demandera un long report de la date de sortie aux 27, et la tenue d’élections européennes au Royaume-Uni.
En réalité il s’agit d’une sorte d’ultimatum aux récalcitrants, et principalement aux «brexiters» durs de son camp, en les menaçant de reporter aux calendes grecques le Brexit si jamais ils ne votent pas son accord. En réalité, personne ne croit ici que cela suffira pour faire passer le texte mercredi prochain. Tous parlent déjà d’un potentiel 4e vote. A la condition cependant qu’il soit autorisé par le speaker de la chambre des communes, John Bercow : faire voter 4 fois sur un même texte pourrait apparaître comme un manque de respect des parlementaires.
Confusion totale dans chez les Tories
Des comportements et pratiques inédites dans cette très ancienne démocratie parlementaire, on en a pourtant encore vu une flopée rien que la journée d’hier.
Pendant que Theresa May toujours pratiquement sans voix avalait compulsivement des pastilles contre la toux sur les bancs de la Chambre des communes, assistant à des débats menés par Michael Gove -un de ses rivaux qui rêve de prendre sa place-, la confusion totale était chez les Tories.
Personne, y compris au sein du gouvernement, n’a voté dans le même sens… On a aussi vu, et c’était inimaginable jusqu’ici à Londres, un membre du gouvernement défendre devant les députés un accord avec l’Union européenne «à la norvégienne» et deux autres plaider pour une «sortie sèche». Tout en somme, sauf ce que défend d’arrache-pied la locataire de Downing Street.
Un ministre fidèle à Theresa May disait quelques heures avant les débats à la BBC : « Il faut qu’on enferme ces gens jusqu’a ce qu’ils se mettent d’accord ! »
Remarque de la journaliste: « vous êtes dans le gouvernement c’est à vous de le faire ! »
Réponse du ministre: « Vous parlez à la bonne personne, je suis ministre des prisons ! »
Inquiétude dans le monde des affaires
Au-delà de ce type de pirouette très britannique, le monde des affaires commence à paniquer sérieusement. Les rumeurs répétées et répétitives sur un départ de Theresa May ou sur des elections générales, les votes qui se suivent et comme une routine du blocage qui s’installe, les milieux economiques britanniques n’en peuvent plus.
La livre sterling ne décroche pas mais les patrons multiplient les messages alarmistes sur les risques d’une sortie désordonnée de l’Union européenne, et ils en ont assez d’attendre de savoir ce qui va se passer.
Ils ont raison a dit en substance hier Philip Hammond. Le chancelier de l’Echiquier (ministre des Finances NDLR) présentait hier un point d’étape sur l’economie du pays. Austère et longiligne, celui qui est surnommé « Phil le comptable » a déclaré devant les députés : « Un nuage d’incertitude plane au-dessus de notre économie ». L’institut officiel a d’ailleurs réduit sa prévision de croissance pour 2019 de 1,6 à 1,2%.