Ce boom immobilier contraste gravement avec la pauvreté des Sénégalais
7 octobre 2021J’aurais été député, la première proposition de loi que j’aurais faite concernerait le foncier. Il faut sauvegarder nos terres et notre foncier de façon plus générale. Je proposerais qu’aucun étranger ne puisse acheter en son nom un terrain s’il n’est pas capable de justifier titre de résidence d’au moins 10 ans.
Pourquoi une telle loi ?
Qui sont les propriétaires des tous ces immeubles qui poussent à Dakar et un peu partout dans les régions ? Seules la drogue et, sa sœur jumelle, la corruption des politiques sont capables d’une telle prouesse.
Les travailleurs sénégalais ne peuvent plus construire. Le prix des terrains est incommensurable aux revenus des citoyens laborieux et honnêtes. Les Sénégalais ne peuvent même plus trouver un loyer décent à Dakar, ils sont stressés au point d’en perdre deux vertus essentielles : la probité morale et l’efficacité ou la rentabilité dans le travail. Chaque fois que le régime change, on note une effervescence dans le domaine de l’immobilier, ce qui fait qu’on n’est pas loin de penser dans les chaumières que derrière chaque grand immeuble dans un pays si pauvre il y a un politicien ou un dealer
Le régime actuel prétend pouvoir lutter contre la spéculation immobilière en rendant accessibles les logements (100.000), mais il y a de fortes chances que cet argent soit englouti comme d’habitude dans l’escarcelle des lobbyistes. La vraie politique sociale se moque de l’interventionnisme intempestif de l’État : la solution c’est de faire de sorte que le Travail devienne lui-même du Capital pour le travailleur. Le Sénégal a de vastes espaces à viabiliser, nous avons plusieurs cimenterie et des producteurs immobiliers compétents : le vrai paradoxe est de ne pas pouvoir faire du salaire des travailleurs une source d’investissement pour acquérir un habitat décent.
Il y a forcément un moyen de trouver une synergie entre travail, habitat, production de ciment et industrie immobilière et ce sera un boom réel de ce secteur. La meilleure façon de lutter contre la spéculation foncière et immobilière, c’est de permettre au travailleur l’accès à un toit : un préfinancement pourrait par exemple remplacer le prêt DMC. Un fonctionnaire a quand même des garanties auprès des promoteurs immobiliers : l’Etat. Pourquoi en plus des terrains octroyés aux corporations (syndicats d’enseignants notamment) ne pas signer des conventions avec des promoteurs qui proposent des locations-ventes à tout nouveau fonctionnaire ?
Dakar étouffe et, au lieu de chercher à lui trouver un supplément d’air par une ceinture verte, on a créé Diamniadio pour le prestige du prince grandiloquent. Une forêt entre Diamniadio et la zone du Cap-Vert en appoint à la forêt de Mbao aurait été doublement bénéfique : d’abord ce serait une barrière « naturelle » artificielle contre les appétences foncières des riches ; ensuite elle constituerait une bouffée d’oxygène pour l’environnement fortement dégradé de la zone. Mais nous savons tous la relation sournoise entre les dirigeants corrompus et le béton : il leur permet à la fois de cacher leur vacuité derrière le gigantisme et de filer des marchés douteux à des amis toujours plus nombreux.
Ce boom immobilier est en contradiction flagrante avec le niveau de vie des Dakarois. Il y a quelque chose qui ne colle pas, et le gouvernement serait inspiré d’ouvrir une enquête sur ce phénomène. Mais comme Harpagon, qui par avarice s’est mis à courir dans tous les sens au point de prendre sa propre main croyant tenir son voleur, nos gouvernants risqueraient de tomber dans leur propre piège.
La corruption doit être combattue non seulement parce qu’elle gangrène l’économie et appauvrit le peuple, mais parce qu’elle est toujours la cause de l’instabilité en Afrique. La politique, la drogue, la corruption et la guerre vont ensemble. Tous les échecs et impasses de la démocratie sont dus à la corruption. Pour une villa, pour de belles voitures, pour de l’argent, des gens ont vendu leur pays. Regardons certains pays voisins : les trafiquants d’armes, les narcotrafiquants ont profondément intégré le système politique de certains États.
Pauvre politicien de métier, tu vends ton pays et ses ressources pour ta mesquine jouissance ! C’est quoi une villa, des voitures, des milliards, pour une vie humaine ? Une villa, si luxurieuse soit-elle, n’est rien d’autre qu’une salle d’attente vers la tombe. L’homme politique devrait être le premier à trouver son compte dans la lutte contre la corruption. Car elle lui ôte tôt ou tard ses moyens d’action, sa vision, bref sa liberté. Or un homme politique sans liberté n’en est pas un, il est plutôt un homme de réseau.
« Aucune des règles régissant ce secteur n’est respectée. Et, l’Etat doit s’assumer » constate avec regret un ingénieur du bâtiment qui a souhaité garder l’anonymat. Selon notre interlocuteur, ces habitations grand standing appartiennent généralement aux hommes du régime en place ».
Parmi les propriétaires, se trouvent des hommes du régime’
« Telle est l’une des raisons avancées par certains courtiers. Selon ces derniers « la mauvaise volonté de l’Etat, observée jusqu’ici relève de ce fait. Ils sont nombreux à avoir des immeubles à loyer très cher dans les quartiers de la Médina, de Fass, de Gibraltar » pour ne citer que ceux-là. Et de renchérir « ils ne seront jamais prêts à perdre ces avantages acquis ».
Les étrangers sont rois dans ce secteur !
Selon l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie, les prix de l’immobilier à Dakar la capitale ont connu une hausse de 256 % en 2017 et l’investissement dans le secteur est très apprécié par les investisseurs locaux, car les rendements sont jugés bons (6 à 13 %).
Mais le plus grand danger qui guette les ruraux, c’est l’accaparement des terres par les promoteurs étrangers de l’agrobusiness. Les paysans sont en train de céder leurs terres par faute de moyen adéquats pour les exploiter et les moderniser. L’Etat devrait songer à protéger les paysans locaux par une nouvelle loi sur le Domaine national. S’il est vrai qu’il faut rentabiliser les terres pour au moins assurer l’autosuffisance alimentaire et l’industrialisation de certaines filières agricoles, ce serait contre-productif d’exproprier les paysans au profit d’étrangers qui ont les moyens et le savoir-faire. La solution n’est pas simple, mais elle commence par la promotion institutionnalisée d’opérateurs autochtones et du consommer local.
Au regard de tous ces enjeux, il semble de plus en plus évident que seule une révolution peut sauver ce pays ; une révolution à l’issue de laquelle un homme libre, vraiment libre, sera placé à la tête de l’État pour faire les réformes que nous connaissons tous, mais que les lobbies rendent impossibles. Un homme libre des appareils politiques et des officines économiques et autres formes de groupe de pression.
senenews