Elections européennes en Estonie: 2019, l’année de tous les dangers
29 avril 2019Diass-Infos : Cap sur l’Estonie. Un pays de 1,3 million habitants du nord-est de l’Europe qui se sent profondément européen. Pourtant, après 15 ans d’appartenance à l’UE, c’est un parti nationaliste et anti-européen qui y est devenu début mars la troisième force politique du pays. Jusque-là, la formation du gouvernement a monopolisé le débat, mais à l’approche des élections européennes, les Estoniens semblent se réveiller.
Ce projet a été financé avec le soutien de la Commission européenne. Cette publication n’engage que son auteur et la Commission n’est pas responsable de l’usage qui pourrait être fait des informations qui y sont contenues.
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Nous sommes à Tallinn, la capitale estonienne. Comme tous les matins Maria, chef de projet de 34 ans, prend son tramway pour aller au bureau. Les élections européennes lui semblent encore loin : « Je suis intéressée par ce scrutin, évidement, mais je ne me sens pas très concernée. Le problème, c’est que depuis les élections législatives le débat est devenu très explosif. Et c’est bien dommage. »
La percée des populistes
Comme Maria, les Estoniens sont inquiets. Harry Tuul, chef du service Economie de Postimees, premier quotidien du pays, le confirme : « La tension montait depuis quelques années entre les libéraux et sociaux-démocrates d’un côté, et les conservateurs de l’autre. Aujourd’hui, pas un jour ne passe sans qu’un conflit n’éclate sur les réseaux sociaux. Le niveau du débat a énormément baissé. Les gens osent dire les choses qu’ils n’auraient pas dit il y a encore cinq ans. Comme ce ministre qui a dû démissionner dans le passé, parce qu’il avait dit de son adversaire qu’il n’était qu’un fils d’immigrés. Je crains qu’aujourd’hui, s’il avait dit une chose pareille, il n’aurait pas perdu son boulot. »
Après la victoire des libéraux aux législatives, début mars, tout portait à croire que ce serait le Parti de la réforme qui formerait le gouvernement en s’alliant avec le Parti du centre, plus à gauche, et arrivé en deuxième. Toutefois, court-circuitant les efforts des réformistes, les centristes ont signé un accord avec les conservateurs (Pro Patria) et les populistes (EKRE, Parti conservateur d’Estonie).
L’entrée au gouvernement de ces derniers a provoqué une onde de choc dans le pays. Selon Harry Tuul, « on n’a pas vu cela depuis le retour à l’indépendance de l’Estonie en 1991. On en parle au sauna, à la maison, partout ! Mais il faut voir qui a voté pour l’EKRE. Des gens de province qui se sentent comme des habitants de seconde zone. Pauvres, avec moins de possibilités, ils sont très en colère contre les élites et ne se retrouvent pas dans ce pays obnubilé par le succès. Un pays du tout numérique où on ferme les bureaux de poste. Ces gens se sentent abandonnés ».
Les enjeux des élections européennes
Du coup, pour ce qui est des élections européennes, les Estoniens n’y pensent même pas. Tout le contraire des partis. Parmi les candidats il y a deux anciens premiers ministres, un ancien Commissaire européen et un leader du parti. Des figures de premier plan, car la donne a décidément changé en Estonie, estime Kristi Raik du Centre International pour la Défense et la Sécurité, ICDS à Tallinn : « Le nouveau gouvernement pourrait être le plus eurosceptique de tous les gouvernements estoniens de ces 27 dernières années. Certes, personne ne veut quitter l’UE. Mais tous critiquent Bruxelles, les plus à droite sont contre plus d’intégration et veulent l’Europe des nations. Face à eux, les libéraux et les sociaux-démocrates qui prônent l’Europe ouverte et démocratique. Cela donne un avant-goût de la façon dont ces forces voient l’UE dans le futur. »
L’exemple de l’Estonie inquiète les observateurs : si les partis populistes deviennent majoritaires au Parlement européen, l’UE pourrait un jour changer de visage.
Les jeunes pour le climat
Mais qu’en pensent les jeunes Estoniens ? À Tartu, une ville universitaire, nous suivons Inna lors d’une manifestation des jeunes pour le climat. Si les enjeux politiques de ces élections européennes semblent échapper aux plus jeunes, il y a une cause que l’Europe doit défendre, déclare la jeune lycéenne. Et quand nous lui demandons si elle ira voter, elle répond : « Oui, bien sûr. Il faut que les gens aillent voter. Leur vote peut faire la différence. Il y a quelques politiciens qui sont venus ici. J’espère qu’il y en aura d’autres et qu’ils entendent notre voix et qu’ils prennent conscience que l’enjeu climatique est primordial pour notre avenir. »
À 18 ans, Inna votera cette année pour la première fois.