Orpaillage par dragage : le fleuve Gambie fortement agresse
27 mai 2018Diass-Infos: La pression s’accentue sur les ressources naturelles de la région de Kédougou qui, en sus de l’orpaillage et de la déforestation, fait face au dragage du fleuve Gambie par des chercheurs d’or, un nouveau phénomène « dévastateur » avec des conséquences écologiques certaines.
Des Burkinabés, des Chinois, des Maliens et des Italiens détenteurs de dragues artisanales ou semi-industrielles viennent en effet s’implanter pour s’adonner à la recherche de l’or sur le lit du fleuve. Ces chercheurs d’or disposent de plus de moyens et sont mieux organisés que les orpailleurs traditionnels. Et, ils débarquent avec femmes et enfants, et en compagnie aussi de chauffeurs, de cuisinières.
Chez les Chinois ou les Italiens, ce sont généralement cinq à dix personnes qui travaillent toute la journée, sans répit, avec la collaboration d’un habitant du village d’accueil. Les machines sont installées dans le lit du fleuve. Les exploitants ne semblant observer « aucun respect » des normes écologiques ou biologiques.
Ils dévient le fleuve et créent des monticules de sable et de gravillons à tamiser, ainsi que de pierres rocheuses. Des arbres pluri centenaires sont systématiquement coupés, tout comme ces cocotiers et rôniers qui faisaient de ce paysage un endroit idyllique.
Pour ce Sénégalais travaillant avec des ressortissants italiens qui a requis l’anonymat, « c’est une activité comme une autre pour tenter d’échapper au chômage ». Seulement, il reconnaît que « la nature est gravement atteinte et qu’il faudrait peut-être songer à la restauration de l’écosystème ».
L’année dernière, une centaine de dragues était présente dans le village de Djindji, dans la commune de Bandafassi. Au village de Kérékonko, dans la commune de Tomboronkoto, le spectre est encore plus désolant avec une coupe abusive et systématique de bois pour l’installation de campements de dragueurs sur chaque 500 m.
De nombreuses femmes comme Kadiatou Camara de Bomboya ont
abandonné l’école et l’agriculture pour venir tamiser les tas de sable laissés derrière eux par les dragues, pour essayer de trouver de la poudre du métal précieux.
Mamadou Dramé, le président des orpailleurs de la région de Kédougou, appelle à une plus grande formalisation du secteur des mines. Il rappelle que l’école, la santé, l’environnement « sont tous affectés négativement ».
« Les quelques grammes ou dixièmes de grammes collectés exercent un attrait qui vide les classes et expose la santé des enfants », s’offusque-t-il, appelant la société civile à « dérouler des séances de sensibilisation, pour permettre aux communautés de penser à l’avenir ».
Parlant du dragage, le sous-préfet de Bandafassi, Mamadou Moustapha Thiandoum, fait remarquer que « seul un individu dispose de papiers réglementaires’’. D’après lui, ‘’tous les autres sont dans l’illégalité la plus absolue ».
D’ailleurs, renchérit-il, « j’ai fait des descentes avec le renfort de la
gendarmerie pour les faire déguerpir et faire respecter la loi dans les limites de ma compétence ».
L’autorité administrative rappelle qu’une enquête est en cours, « pour mesurer l’ampleur du phénomène ». Elle indexe les villageois qui les accueillent en toute complicité.
Pour sa part, un chef de village reconnaît que « les dragueurs payent discrètement une prime à la population’’, pour asseoir la thèse de la complicité confirmée par un de ses fils. Ce dernier informe que les dragueurs remettaient « 50.000 FCFA par drague et par mois l’année dernière, mais qu’aujourd’hui, le montant a doublé ».
Dans certaines localités, le dragage rapporte des « sommes colossales malheureusement gérées de façon opaque », ajoute-t-il.
Pour lutter contre ce phénomène, le sous-préfet de Bandafassi invite les communautés « à jouer franc jeu » car, selon lui, « on ne saurait mettre un gendarme derrière chaque dragueur ».
Pour l’heure, c’est tout un écosystème qui se meurt lentement, des écoles qui se vident, une organisation sociale heurtée par de nombreux individus aux mœurs différentes et un fleuve Gambie entrecoupé par des installations anarchiques. Assèchement du fleuve ou inondations ? Difficile de prédire quelles seront les conséquences exactes de cette ruée vers l’or.